LA ROUTE DU ROCK #26 - 11 au 14 août 2016

Interview François Floret, Directeur du Festival // Par Laetitia Lacourt
Direction Saint-Père Marc en Poulet. Derrière le blaze de cette commune qui mériterait presque de participer au rassemblement annuel des communes aux noms burlesques, se cache l'un des festivals les plus attendus chaque année : La Route du Rock. Situé au bord de la Rance, à 10 minutes de Saint Malo, le festival accueille dès aujourd'hui et jusqu'à dimanche une trentaine de groupes dont un tiers d'exclusivités nationales.
Choix pointus, prises de risque, coups de coeur, confirmations, vieux de la vieille, histoires d'amour : la programmation, comme d'hab, louche davantage sur l'audace et la passion que sur la jauge. Pour preuve, l'absence d'une réelle tête d'affiche mettant l'indie, la pop, le post-punk, le folk et l'électro sur le même pied d'égalité.
A cette occasion, on nous avait proposé 1/4 d'heure d'interview avec François Floret, le fondateur et directeur du festival. Le verbe facile, la langue bien pendue, la passion et la connaissance de son sujet rendront le personnage chaleureux et volubile pendant plus de 40 minutes. Extraits : 


La Route du Rock est réputée depuis 26 ans pour sa programmation, pointue, audacieuse voire risquée. Quand même, on vous file un chèque en blanc et on vous demande d’inviter 5 groupes. Quelle serait l’affiche ?

François Floret : (Rires) Radiohead, Arcade Fire, PJ Harvey, LCD Soundsystem et… je sèche. Allez, un groupe électro : Moderat !
 
Exercice inverse. Plus un centime d’euros en poche, quels sont les 5 groupes « inconnus » sur lesquels La Route du Rock miserait demain ?

FF : ….. Je sèche ! On irait puiser dans le booking… Mais en fait, le cas de figure se reproduit tous les ans. Cette année par exemple, on mise sur Kevin Morby que l’on adore ou encore Requin Chagrin programmé sur la Plage.
 
La Route du Rock a beaucoup évolué depuis 26 ans, est passée de la programmation dans une petite salle de Rennes à un festival national incontournable. Comment l’imagines tu dans 10 ans ?

FF : Encore une colle… on est tellement dans le moment présent qu’il est difficile de répondre… Dans 10 ans… déjà, on n’est plus tout jeune, j’ai 49 ans. Mais on reste à l’affût. Même si je me radicalise avec le temps et que mon collègue Alban calme le jeu, l’esprit restera toujours le même. Si on existe encore, il y aura toujours cette impertinence jusqu’au boutiste.
Si nous sommes sous la contrainte, on dénaturera l’événement donc il mourra. On continuera donc de ne pas faire de compromis, c’est sûr, pour proposer un évènement d’une grande qualité. On est très souple, autant dans la programmation que dans la gestion. Et surtout, on se remet en cause facilement donc on ne s’endort pas sur l’image que l’on a.
Personnellement, je miserai bien une pièce sur le néo classique / le classique moderne ou du moins en ajouter un peu afin de faire découvrir ces musiques. Je pense notamment à Max Richter ou Jóhannsson. On a des envies de se recentrer sur des choses plus qualitatives encore, de retrouver du lien entre les gens, quitte à réduire la jauge du festival et de développer aussi, par exemple, la gastronomie et de travailler avec de grands noms – et on a ce qu’il faut, Roellinger, Bordier… On est des bons vivants donc, oui, on aimerait allier restauration et musique qualitatives.
 
Je lis régulièrement des articles faisant cas que le Rock’n’roll est mort. Qu’en penses-tu ?

FF : Il n’est pas mort mais le mot est galvaudé. Ceux qui connaissent la Route du Rock savent qu’il n’y a pas que ça. D’ailleurs, je n’aime pas le nom du Festival. A la base, c’est un jeu de mot crétin avec la Route du Rhum (rires). Et le nom ne représente pas bien l’événement. On avait réfléchi à changer, pour Indie Way (d’ailleurs, c’est le nom du livre qui a été édité pour nos 25 ans) mais c’est trop compliqué de changer. Maintenant, est-ce que le rock est mort ? Oui et non. Il est mort dans sa perception de base, son côté rage, sexe, drogues et rock’n’roll. D’ailleurs, ça ne me correspond pas, je n’aime pas les clichés du rock. Il n’est en revanche pas mort dans l’énergie, la hargne et le zéro calcul. Et on peut prendre l’exemple dans la programmation de cette année avec Savages, Fat White Family, Sleaford Mods qui illustrent bien cela.
 
Nous sommes un webzine et une émission de radio très axés sur le rock garage. Quelle vision as tu de cette scène ? Quels artistes aimes tu?

FF : C’est une scène que l’on aime particulièrement aussi. On en fait systématiquement sur la collection hiver à l’Antipode. Il y a un revival impressionnant avec le garage, c’est une scène qui s’est rajeunit, c’est rassurant. Il y a un côté sale, mais pas trop non plus, un côté « on y va, on transpire », autant dans le public que dans les groupes d’ailleurs. Et pour rebondir sur la question précédente, le rock n’est pas mort, ils ont pris le relai et ce sont eux l’avenir du rock !
Côté artistes, j’adore Ty Segall et tout ce qu’il décline. Il est d’ailleurs venu l’année dernière. Mais c’est vrai que cette année, on n’en a pas trop.
 
26 ans de Route du Rock : Quel est ton meilleur souvenir et le plus gros regret ?

FF : Je le dis à chaque fois mais l’édition 2005 avec les Cure ! Car c’est un groupe mythique, ils ont joué pendant 2h30, avec tous les tubes à la fin, c’était merveilleux. 2005, parce que c’était aussi la meilleure édition en terme de programmation avec Sonic Youth, Raveonnettes et puis il y avait 30 000 personnes, c’était démentiel.
Gros regrets oui aussi, comme des déceptions amoureuses avec Primal Scream, Björk l’année dernière ou The Avalanches cette année. Ce sont 3 grosses annulations mais on s’en sort bien à chaque fois, on est réactif.
 
As tu une anecdote ?

FF : Les Supergrass qui jouent au foot avec nous, Molko qui nous avait balancé du New Order à fond et qui avait fait le foufou dans l’hôtel…
Muse qui balance en direct des Vieilles Charrues que son festival préféré reste La Route du Rock, Shadow qui est un mec génial et super adorable ou encore Savages : l’année dernière il y a eu 30 minutes de fusion totale entre le groupe et le public, il s’est vraiment passé quelque chose et c’est pour ça qu’elles reviennent cette année. On a plein de belles histoires !
 
Quels conseils donnerais tu à une jeune asso qui aurait l’ambition de monter un festival rock en France ?

FF : C’est aujourd’hui plus dur qu’en 91. Il y a une telle profusion qu’il faudrait quasiment faire une étude de marché. Le rock est exploité par beaucoup de gens, un filon comme un autre pour flairer des billets. Monter un festival n’est plus réservé qu’aux seuls passionnés. Je dirai qu’il faut surtout un soutien financier solide, des partenaires publics et/ou privés et des conseils pros pour la technique et la logistique. On ne peut pas se permettre de faire n’importe quoi.
 
On va jouer à un petit jeu qui tourne en ce moment sur les réseaux sociaux pour la dernière question :
Groupe que tu détestes :
Les Insus. (Rires). Je ne comprends pas le concept. Enfin si je comprends. Mais le nom, le manque d’élégance avec l’ancienne bassiste.. et puis je n’ai jamais aimé la musique d’Auber.
Groupe surestimé : les Chemical Brothers
Groupe sous-estimé : Sigur Ros, longtemps resté dans une niche même si ça l’est de moins en moins.
Groupe que tu aimes en ce moment : Jagwar Ma qui sera présent cette année et Cat's Eyes, le projet du chanteur de The Horrors. Il y a un côté religieux que j’aime bien.
Groupe que tu aimes en secret : New Order. Mais pas vraiment en secret. Colin Stetson aussi. Et la musique classique limite religieuse.
Groupe préféré : Sigur Ros. J’ai regardé 12 fois Route One, leur road trip. La musique et la simplicité de l’Islande…
Groupe aux paroles les plus sensées : Dominique A
Groupe préféré qui a splitté : Sonic Youth
Groupe d'amis : The Missing Season, le groupe de l’un de nos techniciens intermittents, et François Audrain
Meilleur groupe à voir en live : Sonic Youth en pleine forme !